フランスの政治哲学者クロード・ルフォール、ウィキから。邦訳つき

 

 

 

Claude Lefort

 
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Claude Lefort
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Philosophe occidental

Philosophie contemporaine

Naissance
Décès
3 octobre 2010 (à 86 ans)
Principaux intérêts
Œuvres principales
Le Travail de l'œuvre, Machiavel (1972), L'Invention démocratique, Essais sur le politique, Écrire à l'épreuve du politique
Influencé par
A influencé

Claude Lefort, né le 21 avril 1924 et mort le 3 octobre 20101, est un philosophe français connu pour sa réflexion sur les notions de totalitarisme et de démocratie, notamment comme membre du groupe Socialisme ou Barbarie.

Ancien directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, il était membre du centre de recherches politiques Raymond-Aron. Il a notamment travaillé sur Machiavel, Merleau-Ponty et sur les régimes du bloc de l'Est.

 

 

Biographie

Origines familiales

Claude Lefort est le fils naturel de Rosette Cohen (1884-1959) et de Charles Flandin (1882-1955) et n'a porté le nom de Lefort qu'à partir de 1942.

Les Cohen sont une famille juive originaire de Carpentras. Le grand-père de Rosette était négociant à Marseille et elle est la fille de Félix Cohen, avocat, Conseiller d'Etat sous le Second Empire2, homme de lettres et de théâtre. Il a épousé une catholique d'esprit libéral ; leur fils (Félix lui aussi) est élevé dans la religion juive, tandis que Rosette a été baptisée. Après la mort de Félix Cohen, Rosette, qui continue de vivre avec sa mère, élève les deux enfants qu'elle a eu hors mariage, Bernard (né en 1917) et Claude; elle travaille pour entretenir sa famille, d’abord comme « petite main » dans une grande maison de couture, puis comme dessinatrice de mode pour la presse.

C’est vers 1930 que Claude Cohen comprend qu’il est le fils du docteur Charles Flandin, un ami de la famille. Il vient d'une famille de la haute bourgeoisie parisienne. Il est le fils d'Étienne Flandin (1853-1922), conseiller général et député de l'Yonne (les Flandin sont originaires de Domecy-sur-Cure), et le frère aîné de Pierre-Étienne Flandin (1889-1958), lui aussi député de l'Yonne et figure politique notable de la IIIème République ; Charles est lui-même conseiller général de ce département. Bien que Charles Flandin soit marié, Bernard et Claude Cohen sont invités de temps à autre dans la famille à partir de 1936 (c'est à Domecy que Claude apprend la déclaration de la guerre en 1939).

Au printemps 1942, une amie de la famille Cohen, réfugiée autrichienne3? se souciant des dangers que ce nom peut faire courir aux deux frères, même s’ils ne sont pas classés comme juifs par la législation de Vichy4. Elle obtient d’un commerçant célibataire et sans enfants qu’il se déclare père de ces deux jeunes gens, qui dès lors prennent le nom de Bernard et Claude Lefort.

On peut penser que Claude Lefort n’a jamais cessé de considérer que sa vie dépendait de ce qu’il en faisait lui-même et non des racines qu’il n’affichait nullement. C’est seulement dans la dernière année de sa vie qu’il a rédigé des fragments de récit au sujet de ses origines, qui n'étaient connues que par ses proches. Parmi ceux-ci, Pierre Pachet a enregistré et transcrits ses propos qui ont été publiés en 2013 dans La Quinzaine littéraire5.

Etudes et débuts de militant intellectuel

Il fait sa scolarité au lycée Carnot, où il est marqué par le professorat de Maurice Merleau-Ponty : « J'ai découvert Marx dans ma classe de philosophie, avec un professeur qui était Merleau-Ponty et qui m'a permis d'emblée d'aborder le marxisme sans tomber dans la version mécaniste et déterministe. »6. Il prépare ensuite le concours de l'ENS7, puis étudie la philosophie à la Sorbonne.

Il appartient dès 1944 au petit noyau trotskiste français : il fait des adeptes à la Maison de Lettres[réf. nécessaire].

Introduit aux Temps Modernes par Merleau Ponty, il participe aux "réunions des collaborateurs" et y est publié dès 1945.

En 1946, il rencontre Cornelius Castoriadis, arrivé depuis peu de Grèce. Ils créent au sein du Parti communiste internationaliste, d'obédience trotskiste, la tendance « Chaulieu-Montal », nommée d'après les pseudonymes qu'ils utilisent alors (Lefort étant « Montal »), qui fait sécession en 1948 et devient le groupe Socialisme ou barbarie ; en 1949 une revue est lancée sous ce nom.

En 1947 et 1948, il travaille, entre autres pour l'UNESCO puis en 1949, est reçu dixième à l'agrégation de philosophie8.

Carrière universitaire

Il est nommé professeur à Nîmes (1949-1950) puis à Reims (1950-1951).

En 1951, il est recruté à la Sorbonne comme assistant de sociologie de Georges Gurvitch. Dès 1952, à la suite d'un différend avec celui-ci, il est détaché grâce à l'appui de Raymond Aron à la section de sociologie du CNRS, où il reste jusqu'en 1966, avec une parenthèse de deux ans (1953-54) où il enseigne à l'Université de São Paulo au Brésil.

En 1966, il est nommé en sociologie à l'Université de Caen, où il professe jusqu'en 1971, année où il soutient sa thèse de doctorat d'état : Machiavel, le travail de l'œuvre. Il revient alors comme chercheur à la section de sociologie du CNRS, puis entre en 1976 à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, jusqu'à sa retraite en 1989.

Parcours intellectuel

Les Temps Modernes

Il y écrit jusqu'à sa rupture avec Sartre en 1953, à la suite de la polémique entre celui-ci et Maurice Merleau-Ponty à propos des relations avec le mouvement communiste, notamment avec le PCF.

Socialisme ou Barbarie

À Socialisme ou Barbarie (qui paraît de 1949 à 1967 et dont il est cofondateur), il est actif jusqu'en 1950, puis de 1955 à 1958. Avec Socialisme ou barbarie, il se bat contre le marxisme orthodoxe. Socialisme ou Barbarie considère l'URSS comme un capitalisme d’État, et apporte son soutien aux révoltes anti-bureaucratiques en Europe de l’Est — en particulier à l’insurrection de Budapest en 1956. Des divergences amènent une scission au sein du groupe ; Lefort fait partie avec Henri Simon des fondateurs de Informations et liaisons ouvrières en 1958. Il quitte quelques années plus tard le militantisme actif.

En 1968, il écrit une des premières analyses des événements, publiée dans le recueil La Brèche (Fayard), avec des écrits d'Edgar Morin et Cornelius Castoriadis.

Après Mai 1968

Dans les années 1970, il développe une analyse des régimes bureaucratiques d’Europe de l’Est. Après avoir lu L'Archipel du Goulag, il écrit sur Alexandre Soljenitsyne son livre Un homme en trop9 (1976). Ses réflexions sur le totalitarisme sont publiées en 1981 dans le recueil L’Invention démocratique.

De 1971 à 1975, il participe à Texture, créée en 1969, et y fait entrer Cornelius Castoriadis et Miguel Abensour. Avec eux ainsi qu'avec Pierre Clastres et Marcel Gauchet), il crée en 1977 Libre, qui paraît jusqu'en 1980, date où des différends l'opposent à Castoriadis comme à Gauchet. De 1982 à 1984, il dirige Passé-Présent, où sont présents, entre autres, Miguel Abensour, Carlos Semprun, Claude Mouchard et Pierre Pachet. Ces deux derniers ainsi que Claude Habib forment le comité de lecture de la collection « Littérature et Politique » que Lefort dirige à partir de 1987 aux Éditions Belin.

Parallèlement, à l'EHESS, il participe à deux centres de recherche : le CECMAS (Centre d'étude des communications de masses), fondé par Georges Friedmann, où l'accueille Edgar Morin, puis le Centre Raymon Aron, qu'il fréquente jusqu'à sa mort10.

Dès la mort de Maurice Merleau-Ponty en 1961, Lefort a pris en charge l'édition de ses manuscrits. En 2010 paraît le livre M. Merleau-Ponty, œuvre (Gallimard, collection « Quarto »), dont il a assuré la direction et écrit la préface.

Conception du totalitarisme

Lefort fait partie des théoriciens du politique qui postulent la pertinence d’une notion de totalitarisme dont relèvent le stalinisme comme le fascisme, et considèrent le totalitarisme comme différent en son essence des grandes catégories utilisées par le monde occidental depuis la Grèce antique, comme les notions de dictature ou de tyrannie. Cependant, contrairement aux auteurs comme Hannah Arendt qui limitent la notion à l’Allemagne nazie et à l’Union soviétique entre 1936 et 1953, Lefort l’applique aux régimes d’Europe de l’Est dans la deuxième moitié du siècle, c’est-à-dire à une époque où la terreur, un élément central du totalitarisme chez d’autres auteurs, avait perdu sa dimension paroxystique.

C’est à l’étude de ces régimes, et à la lecture notamment de L’Archipel du Goulag (1973) d’Alexandre Soljenitsyne, qu’il a développé son analyse du totalitarisme. Sans la théoriser en un ouvrage unifié, il a publié en 1981 sous le titre L’Invention démocratique. Les limites de la domination totalitaire un recueil d’articles parus entre 1957 et 1980.

La double clôture de la société

Lefort caractérise le système totalitaire par une double « clôture » :

  • Le totalitarisme abolit la séparation entre l’État et la société : le pouvoir politique irrigue la société, et toutes les relations humaines préexistantes – solidarité de classe, coopération professionnelle ou religieuse – tendent à être remplacées par une hiérarchie unidimensionnelle entre ceux qui ordonnent et ceux qui obéissent. Ceci est permis, en particulier, par l’association toujours plus étroite entre l’administration de l’État et la hiérarchie du parti, cette dernière devenant le pouvoir effectif. Lefort, comme d’autres théoriciens, identifie ainsi la destruction de l’espace public et sa fusion avec le pouvoir politique comme un élément-clef du totalitarisme.
  • Le totalitarisme nie ce que Lefort appelle « le principe de division interne de la société », et sa conception de la société est marquée par « l’affirmation de la totalité ». Toute organisation, association ou profession est ainsi subordonnée au projet de l’État. La diversité des opinions, une des valeurs de la démocratie, est abolie afin que tout le corps social tende vers un même but ; même les goûts personnels deviennent des objets politiques et doivent être standardisés. Le but du totalitarisme est de créer une société unifiée et fermée, dont les composantes ne sont pas des individus et se définissent toutes par les mêmes buts, les mêmes opinions et les mêmes pratiques. Le stalinisme connaît ainsi l’« identification du peuple au prolétariat, du prolétariat au parti, du parti à la direction, de la direction à l’Égocrate. » (Lefort 1981, p. 175)

Lefort montre ainsi la grande différence du totalitarisme avec la dictature : une dictature peut admettre la concurrence de principes transcendants, comme la religion ; l’idéologie du parti totalitaire est religion. Une dictature ne vise pas à la destruction et à l’absorption de la société, et un pouvoir dictatorial est un pouvoir de l’État contre la société, ce qui suppose leur distinction ; le projet d’un parti totalitaire est de se confondre avec l’État et la société en un système clos, unifié et uniforme, subordonné à la réalisation d’un projet – le « socialisme » dans le cas de l’URSS. Lefort appelle ce système le « peuple-Un » : « Le processus d’identification entre le pouvoir et la société, le processus d’homogénéisation de l’espace social, le processus de clôture de la société et du pouvoir s’enchaînent pour constituer le système totalitaire. » (ibid., p. 103)

La vision organiciste de la société

Le système totalitaire, unifié et organisé, se présente comme un corps, le « corps social » : « dictature, bureaucratie, appareils ont besoin d’un nouveau système de corps » (ibid., p. 109). Lefort reprend les théories d’Ernst Kantorowicz sur les « deux corps du roi », en ce que la personne du chef totalitaire, au-delà de son corps physique et mortel, est un corps politique figurant le peuple-Un.

Afin d’assurer son bon fonctionnement et de conserver son unité, le système totalitaire requiert un Autre, « l’Autre maléfique » (Lefort 1981, p. 176), une représentation de l’extérieur, de l’ennemi, de ce que le parti combat, « le représentant des forces de l’ancienne société (koulaks, bourgeoisie), […] l’émissaire de l’étranger, du monde impérialiste » (ibid., p. 173). La division entre l’intérieur et l’extérieur, entre le peuple-Un et l’Autre, est la seule division que le totalitarisme tolère, car il se fonde par rapport à elle. Lefort insiste sur le fait que « la constitution du peuple-Un exige la production incessante d’ennemis » (ibid., p. 173) et parle même de leur « invention ». Par exemple, Staline s’apprêtait à attaquer les Juifs d’URSS lorsqu’il est mort, c’est-à-dire à désigner un nouvel ennemi ; de même, Mussolini avait déclaré que les bourgeois seraient éliminés d’Italie après la Seconde Guerre mondiale.

La relation entre le peuple-Un et l’Autre est d’ordre prophylactique : l’ennemi est un « parasite à éliminer », un « déchet ». Ceci dépasse le simple effet rhétorique couramment utilisé dans le discours politique contemporain, encore que de manière sous-jacente, et participe de la vision métaphorique de la société totalitaire comme un corps. Cette vision explique que l’existence même des ennemis de l’État et leur présence au sein du peuple, soient vues comme une maladie. La violence déchaînée contre eux est, dans cette métaphore organiciste, une fièvre, un symptôme du combat du corps social contre la maladie, en ce sens que « la campagne contre l’ennemi est fiévreuse : la fièvre est bonne, c’est le signal, dans la société, du mal à combattre. » (ibid., p. 174)

La situation du chef totalitaire au sein de ce système est paradoxale et incertaine, car il est à la fois une partie du système – la tête, qui commande au reste – et la représentation du système – le tout. Il est ainsi l’incarnation du « pouvoir-Un », c’est-à-dire le pouvoir exercé dans toutes les parties du « peuple-Un ».

La fragilité du système

Lefort ne considère pas le totalitarisme comme une situation quasi idéaltypique qui serait susceptible d’être réalisée par la terreur et l’extermination. Il y voit plutôt un ensemble de processus, ne pouvant connaître de fin et donc de succès. Si la volonté du parti totalitaire de réaliser l’unité parfaite du corps social commande l’ampleur de son action, elle implique également que son but soit impossible à atteindre, car son développement entraîne nécessairement contradictions et oppositions. « Le totalitarisme est un régime dont le registre est d’être rongé par l’absurdité de sa propre ambition (le contrôle total par le parti) et par la résistance passive ou active de ceux qui lui sont soumis », résume le politologue Dominique Colas (Colas 1986, p. 587)

Conception de la démocratie

Claude Lefort forme sa conception de la démocratie au miroir de sa conception du totalitarisme et l’a également développée avec ses analyses des régimes d'Europe de l’Est et de l'URSS.

La démocratie chez Lefort est le régime caractérisé par l’institutionnalisation du conflit au sein de la société, de la division du corps social ; il reconnaît, et même légitime, l’existence d’intérêts divergents, d’opinions contraires, de visions de monde opposées et même incompatibles.

La vision de Lefort fait de la disparition du corps politique du chef – la mise à mort du roi, chez Kantorowicz – un moment fondateur de la démocratie, car elle fait du lieu du pouvoir, auparavant occupé par une substance éternelle transcendant la simple existence physique des monarques, un « lieu vide », auquel peuvent se succéder, mais seulement pour un temps et au gré des élections, des groupes d’intérêt et d’opinion concurrents. Le pouvoir n’intègre plus aucun projet défini, aucun but, aucun plan ; il n’est qu’un ensemble d’instruments, mis temporairement à la disposition de ceux qui remportent la majorité. « Dans la démocratie inventée et inventive de Lefort, écrit Dominique Colas, le pouvoir émane du peuple et il n’est le pouvoir de personne. » (Colas 1986, p. 589)

La démocratie est ainsi un régime marqué par son indétermination, son inachèvement, ce contre quoi s’érige le totalitarisme.

Ceci mène Lefort à considérer comme « démocratique » toute forme d’opposition et de protestation face au totalitarisme, l’opposition et la protestation créant, en quelque sorte, un espace de démocratie au sein du système totalitaire. La démocratie est invention, ouverture de nouvelles mobilisations désignation de nouveaux enjeux dans la lutte contre l’oppression, elle est une « puissance créative capable d’ébranler, voire d’abattre le Léviathan totalitaire » (Colas 1986, p. 586), Léviathan dont Lefort souligne la paradoxale fragilité.

La séparation de la société civile d’avec l’État, qui caractérise la démocratie moderne, est permise par cette désincorporation de la société. Un pays démocratique connaît également ce caractère inventif, car tout groupe de citoyens, par une lutte légitime, peut chercher à faire établir de nouveaux droits ou défendre ses intérêts. Lefort ne rejette pas la démocratie représentative, mais n’y limite pas la démocratie, incluant par exemple les mouvements sociaux dans la sphère du débat politique légitime.

Publications

  • La Brèche, en collaboration avec Edgar Morin, JM (Jean-Marc Coudray (pseudonyme de Cornelius Castoriadis), Paris, Fayard, 1968.
  • Éléments d'une critique de la bureaucratie, Paris, Droz, 1971.
  • Le Travail de l'œuvre, Machiavel, Paris, Gallimard, 1972 (republié coll. « Tel », 1986). Traduction partielle américaine (excluant le chapitre sur le « champ de la littérature critique » et la partie « interprétations exemplaires ») : Machiavelli in the Making, par Michael B. Smith, Northwestern University Press, 2012.
  • Un Homme en trop. Essai sur l'archipel du goulag de Soljénitsyne, Paris, Le Seuil, 1975 (republié, Le Seuil poche - 1986).
  • Les Formes de l'histoire, Paris, Gallimard, 1978.
  • Sur une colonne absente. Autour de Merleau-Ponty, Paris, Gallimard, 1978.
  • L'Invention démocratique, Paris, Fayard, 1981.
  • Essais sur le politique : XIXe et XXe siècles, Paris, Seuil, 1986.
  • Écrire à l'épreuve du politique, Paris, Calmann-Lévy, 1992. Traduit en anglais par David Ames Curtis, traducteur de Castoriadis, et paru en 2000 sous le titre "Writing: The political test" (Duke University Press)
  • La Complication, Paris, Fayard, 1999.
  • Les Formes de l'histoire. Essais d'anthropologie politique, Paris, Gallimard, «Folio Essais», 2000.
  • Le Temps présent, Paris, Belin, 2007.

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

クロード・ルフォール

 

クロード・ルフォールフランス語: Claude Lefort1924年 - 2010年10月4日)はフランス政治哲学者全体主義の哲学的考察で知られた。

 

概要

1960年代から1970年代にかけて、民主主義の哲学を構築。世論や関心が順番に交替していき、権力がつねに未完成で形成途上にあるような政治体制として民主主義を捉えた。

1976年から1990年まで社会科学高等研究院の教授を務めた後、現在はレーモン・アロン政治研究センターの所員。マキャベリメルロ=ポンティについての研究や、いわゆる東欧圏についての考察が特に有名である。

文体は晦渋であり、邦訳書籍の質も低いため、日本での知名度は低い。

経歴

ルフォールはもともとメルロー=ポンティに師事しており、その影響でマルクス主義者になったが、ソビエト連邦には批判的であり、トロツキスト運動に参加した。しかし1947年トロツキズムと決別、コルネリュウス・カストリアディスと共に雑誌『社会主義か野蛮か』を創刊、クロード・モンタルClaude Montal)の筆名でこの雑誌に執筆した。

1949年、哲学のアグレガシオンに合格、1971年には人文科学の博士号を取得した。

社会主義か野蛮か」グループでの活動を通じて、ルフォールマルクス主義内部の非神話化の運動に参画した。「社会主義か野蛮か」グループはソ連国家資本主義とみなし、1956年ハンガリー動乱を始めとする東欧の反官僚支配的な反乱を支援した。その後「社会主義か野蛮か」グループは意見対立の結果内部分裂し、1958年ルフォールは他のメンバーと共にInformations et liaisons ouvrières(「労働者の報道と連絡」、その後Informations et correspondances ouvrièresと改称)を創刊した。しかし数年後、ルフォールは政治活動から離れる。

同時期にルフォールマキャベリの著作の研究を開始、これは1972年の『著作という活動--マキャベリ』となって結実した。この著作でルフォールは、社会的身体の分割や世論の多様性、民主主義といった問題を考察している。

1970年代に東欧諸国の官僚支配体制の分析を展開した。『収容所群島』を読んで衝撃を受け、ソルジェニーツィン論を執筆した(1975年)。スターリン全体主義に関するルフォールの主要見解は1981年刊行の『民主主義の発明』に収められている。

2010年10月4日に死去[1]

思想

全体主義の概念

ルフォールは、スターリニズムファシズムを定義するにあたって全体主義の概念を適用することが妥当であると主張した政治哲学者の一人である。彼によれば全体主義は、古代ギリシア以来西洋世界で用いられてきた独裁制とか専制といったカテゴリーとは本質的に異なっている。しかも、ハンナ・アーレントのような理論家が全体主義概念をナチス・ドイツやスターリン政権下のソ連に限定したのに対して、ルフォールは20世紀後半の東欧諸国にもこの概念を適用している。すなわち、他の理論家が粛清全体主義の中心的要素としているのに対して、それが最悪の状態にない政治体制もルフォール全体主義と呼んでいるのである。

東欧政治体制の研究やソルジェニーツィンの『収容所群島』(1973年)の読解を通じて、ルフォール全体主義解釈は発展していった。彼の全体主義 論は一冊の書物という形で発表されたわけではないが、1957年から1980年までに発表された論考は、『民主主義の発明--全体主義的支配の臨界』 (1981年刊)にまとめられている。

社会の二重の囲い込み

ルフォールによれば、全体主義システムの特徴は以下の2種類の「囲い込み」である。

  • 全体主義国家社会の区別を廃してしまう。政治権力が社会に浸透し、既存の全ての人間関係--プロレタリアートの連帯、職場仲間の協力、宗教を同じく者たちの共同等--は、命じる者と従う者の一次元的なヒエラルヒーにとって代わられていく。この理由としては特に、国家の行政と党のヒエラルヒーとの距離が縮まっていくにつれ、後者が実質的な権力になっていくことが大きい。従って、他の理論家たちと同じくルフォールも、全体主義の基幹的性格として公共空間の破壊とその政治権力への併合が同時に起こると考えている。
  • 全体主義は、ルフォールのいう「社会の内的分割の原則」を否定している。全体主義が奉じる社会概念の特徴は「全体の肯定」である。つまり全ての組織、結社、職業が国家目的に従属させられるのである。多様な意見を認めることが民主主義の意義の一つであるが、全体主義の方は、社会体全体を同一の目的に向かわせようとしてこういう意見の多様性を排除するのである。個人の嗜好でさえ政治の対象になり、標準化すべきだとされる。全体主義の目的は統一された閉じた社会を作ることなので、その構成員は諸個人というよりも、同一目標、同一意見、同一行動をおこなう人々なのである。従ってスターリン主義は、「人民はプロレタリアートに等しく、プロレタリアートは党に、党は指導部に、指導部は一者支配に等しい」[2]ということを知っているのである。

従ってルフォールによれば、全体主義と独裁は以下のように異なる。

  1. 独裁の場合、例えば宗教のように、超越的原理が別に存在していることを許容している。反対に、全体主義的な党のイデオロギーは自ら宗教性を帯びている。
  2. 独裁の場合、社会の破壊・吸収は目指されない。独裁的権力は、社会「に抗する」国家の権力であり、両者の区別がある。これに対して全体主義的な党 は、自らが国家と同一化することを目指しており、社会はこの計画の実現のためだけにある。この目的のために社会は閉ざされ、統一され、一様なシステムにさ せられている。

ソ連社会主義とはそのような意味での全体主義だった。ルフォールはこれを「人民=一者peuple-Un」のシステムと呼んでいる。「政治権力と 社会との同一化のプロセス、社会空間の均質化のプロセス、社会と政治権力の囲い込みのプロセスが絡み合い、全体主義システムの構成に繋がっている」[3]

社会有機体論

全体主義システムは統一化された有機的システムであり、「社会体」という一個の有機体として現れる。「独裁、官僚制、執行機関は新しい有機体システムを必要としている」[4]ルフォールエルンスト・カントロヴィチの『王の二つの身体』の読解を通じて、全体主義システムの支配者の人格が、寿命の制約を受ける物理的身体の枠を超えて、人民=一者を「体現」する政治的身体になる、と述べている。

全体主義システムは自らの円滑な運行と統一性を確保するため他者を必要としている。つまり、「不吉な他者」[5]が、党の戦うべき敵の表象として必要であり、「古い社会の力を代表する者(クラーク、ブルジョワジー))・・・、外国や帝国世界からの密使」扱いされるのである[6]。内部と外部の分割、すなわち人民=一者と他者の分割が、全体主義の許容する唯一の分割である。逆に言って、全体主義はこの分割を基礎としている。ルフォールは、「人民=一者を作りだすには、絶え間なく敵を産み出すことが必要である」ことを強調している[7]。敵が「発明」される時さえある。例えば死の間際のスターリンソ連ユダヤ人を攻撃しようとしていた。つまり新たな敵を指名しようとしたのである。同様に、ムッソリーニ戦争が終わったらイタリアのブルジョワジーを排除しようと考えていた。

人民=一者と他者との関係は予防的な水準で働く。敵とは「排除すべき寄生者」であり「屑|くず」なのだ。この言い方は単なる修辞ではなく、全体主義社会が一つの有機体として捉えられていることの結果である。この隠喩を用いることで、国家の敵が存在しており、しかも人民の中に隠れていることが病気として見られるようになる。敵に対する度を超した暴力は、この有機体論的隠喩のもとでは、社会という身体が病気に抵抗する戦いの一症状であり、ある種風邪から治る時の発熱のようなものだ。「敵との戦いは発熱のようなものだ。熱が出るのは悪いことではない。それは社会の中に戦うべき悪があるという合図なのだ」[8]

全体主義の指導者がこのシステムの中で占める位置は矛盾に満ち不確実なものである。なぜなら指導者は、全体主義を統べる長としてはシステムの部分であり、同時に表象としてはシステムの全体と同一視されるからである。従って指導者は、人民=一者の全ての部分に行使される権力として、「権力=一者」を体現している。

システムのもろさ

ルフォールによれば、全体主義とは、恐怖政治と大量虐殺によって可能になるような半ば理念型的 な状況のことではない。むしろルフォールにとって、全体主義とは終わりなきプロセスの、従って成功なきプロセスの総体なのである。全体主義的な党が社会体 の完全な統一化を望んでおり、そのために様々な活動を行っているのだとしても、同時に全体主義的な党はその目標が到達不可能であることを知っている。なぜ ならその発展の結果、矛盾と対立が起こるからだ。「全体主義の帳簿は、自らの野望(党による全体的管理)の不条理さと、それに支配された人々の受動的能動 的な反抗によって食い荒らされている」[9]とある政治学者は書いている。

民主主義の概念

ルフォールにとって全体主義概念の対極にあるのが民主主義の概念である。彼の民主主義概念もまた、東欧諸国やソ連の政治体制の分析を通じて発展したものである。

ルフォールによれば民主主義とは、社会内部の紛争を制度化していることによって特徴づけられる政治体制である。これはつまり、社会体の分裂を制度化 しているということでもある。利害の相違や意見の対立、時には相容れないことさえある様々な世界観の共存ルフォールは承認し、正当であるとみなしてい る。

ルフォールの考え方によれば、元首の政治的身体の消滅--カントロヴィチのいう王の死--が民主主義の創設の瞬間をなしている。これによって、それ まで超越的な永遠の実体が占めてきた権力の場が、単なる君主たちの肉体的存続に変わるからである。そこは「空なる場所」であり、様々な利害集団や意見を異 にする集団が順次、一定期間、選挙を通じて占めることになる。権力は最早どんな特定の計画も目標も担っていない。それは一時的に多数派となった人々が利用 する道具であるにすぎない。

このように民主主義は非決定、未完成を特徴としており、この点が全体主義との違いである。

したがってルフォールは民主主義があらゆる意味で全体主義の対極にあり、全体主義への抗議になっていると考えている。言ってみれば、こうした抗議を 通じて、全体主義システムの内部に民主主義の空間が作られるのである。民主主義は「発明」を促すのであり、抑圧との闘いの中で様々な新しい動員を促し、 様々な新しい争点を指し示すのである。民主主義は、「全体主義的なリヴァイアサンをぐらつかせ、さらに打ち倒しもする可能性を秘めた創造的な力 」[10]なのである。ルフォールが強調するところによれば、リヴァイアサンは逆説的にもろく壊れやすいものなのである。

市民社会国家との分離が現代の民主主義の特徴をなすが、その分離はこうした社会の脱身体化désincorporationによって可能になる。民主主義国もまたこの発明を促す性質を備えている。様々な市民グループが合法的な戦いを通じて、新しい権利を認めさせようとしたり、自らの利害を守ろうとするからである。ルフォール代表民主制を拒否するわけではないが、それ以外の民主主義もありうると考えている。例えば合法的な政治論争の範囲で社会運動を展開することなどである。

著作

  • エドガール・モラン、P・クドレー(カストリアディスの筆名)と共著La Brèche, Paris, Fayard, 1968.
  • Eléments d'une critique de la bureaucratie, Paris, Droz, 1971.
  • Le travail de l'œuvre, Machiavel, Paris, Gallimard, 1972 (republié coll. Tel, 1986).
  • Un homme en trop. Essai sur l'archipel du goulag de Soljénitsyne, Paris, Le Seuil, 1975 (republié, Le Seuil poche - 1986). 宇京頼三訳『余分な人間--『収容所群島』をめぐる考察』未來社、1991年 ISBN 9784624932107
  • Les formes de l'histoire, Paris, Gallimard, 1978.
  • Sur une colonne absente. Autour de Merleau-Ponty, Paris, Gallimard, 1978.
  • L'Invention démocratique. Essais d'anthropologie politique, Paris, Fayard, 1981 (republié Gallimard, «Folio Essais», 2000). (部分訳)松浦寿夫訳「人権と政治」、『現代思想』1989年11月、1990年4月。本郷均訳「民主主義という問題」、『現代思想』1995年11月。
  • Essais sur le politique : XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1986.
  • Écrire à l'épreuve du politique, Paris, Calmann-Lévy, 1992. 宇京頼三訳『エクリール--政治的なるものに耐えて』法政大学出版局、1995年 ISBN 9784588004780
  • La Complication. Retour sur le communisme, Paris, Fayard, 1999.

他、『マルクス主義論争』ダヴィッド社、1955年、『学生コミューン』合同出版、1969年に邦訳がある。

編著等
  • Abram Kardiner, L'individu dans sa société, introduction de Claude Lefort, 1969.
  • Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l'invisible, suivi de Notes de travail, texte établi par Claude Lefort, Gallimard, 1979. 伊藤泰雄他訳『見えるものと見えざるもの』法政大学出版局、1994年 ISBN 4588004263
  • Maurice Merleau-Ponty, Humanisme et terreur, préface de Claude Lefort, Gallimard, 1980.
  • Maurice Merleau-Ponty, ""L'oeil et l'esprit, préface de Claude Lefort, Gallimard, 1985.
  • Edgar Quinet, La Révolution, préface de Claude Lefort, Belin, 1987.
  • François Guizot, Des Moyens de gouvernement et d'opposition dans l'état actuel de la France, introduction de Claude Lefort, Belin, 1988.
  • Maurice Merleau-Ponty, La prose du monde, texte établi et présenté par Claude Lefort, Gallimard, 1992.
  • Alighieri Dante, La monarchie, précédé de La modernité de Dante par Claude Lefort, Belin, 1993.
  • Alexis de Tocqueville, Souvenirs, préface de Claude Lefort, Gallimard, 1999.
  • Georges Petit, Retour à Langenstein, préface de Claude Lefort, Belin, 2001.
  • Jules Michelet, La cité des vivants et des morts, présentées par Claude Lefort, Belin, 2002.
  • Maurice Merleau-Ponty, L'institution dans l'histoire personnelle et publique, suivi de Le problème de la passivité, le sommeil, l'inconscient, la mémoire. Notes de cours au Collège de France, 1954-1955, préface de Claude Lefort, Belin, 2003.