Les Papillons géomètres, de Christine Luce, Les Moutons électriques, 240 p., 15 €.
Un spectre hante le Londres du XIXe siècle : celui d’Eve Blake. Depuis cinq ans, aucune piste, nul signe : la belle s’est dissoute dans le brouillard. Si les polices de ce bas monde penchent pour une fuite sentimentale, l’éploré mari de la disparue, l’imprimeur-éditeur de publications spirites John Blake, lui, la croit trépassée.
Un sinistre pressentiment qui l’amène à contacter la médium Marie-Gaétane LaFay. Officiant en duo avec son assistante Maisy Terrentroy, cette dernière confirme l’hypothèse, organisant dès lors, chaque année, un contact téléphonique paranormal entre le veuf et son aimée.
Néanmoins, un triste jour, le rituel échoue. L’au-delà ne répond plus. Commence alors, dans les profondeurs et les replis de la métropole immense, une traque frénétique qui va mobiliser non seulement les capacités parapsychiques de la voyante, mais également les puissances de l’outre-monde.
S’affrontent, en effet, tout au long du livre, dans les outre-fonds d’un Londres sombre et détrempé, les forces d’un réel historique prosaïque et préhensible, et des entités fluidiques voraces et omnipotentes. Tour à tour rivaux puis alliés, le monde des esprits et celui des hommes sont, au fil du récit, l’objet d’une violente tentative d’émulsion romanesque. Une fusion narrative ouvragée dans un style « préraphaélite », opulent et scintillant.
Cette sarabande, sur la ligne de crête séparant le visible et l’invisible, fait tout le soufre de ces Papillons géomètres libérés par la romancière Christine Luce. Auteure, jusqu’ici, d’un roman jeunesse, elle effectue là une incursion notable dans les horreurs sélectes du fantastique victorien, dont elle actionne les sortilèges et manipule les décors avec brio et efficacité. François Angelier