クロード ルフォールの著作の邦訳
ルフォール、政治の謎。リベラシオン2010年10月5日の紹介記事
Claude Lefort ou l’énigme du politique - Libération
Claude Lefort ou l’énigme du politique
Le philosophe, dont l’œuvre s’est concentrée sur la critique du totalitarisme, était né en 1924.
Il n’est pas exagéré de dire que, durant toute sa vie de philosophe, Claude Lefort, qui vient de mourir à Paris à l’âge de 86 ans, a tenté de résoudre l’énigme du politique. Agrégé et docteur en philosophie, d’abord chargé d’enseignement à l’université de Caen, puis directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, il est l’auteur d’une œuvre importante, qu’inaugure en 1968 la Brèche, écrit avec Edgar Morin.
Trotskistes. C’est à son maître Maurice Merleau-Ponty qu’il doit, d’une part, l’attachement qu’il portera toujours au «corps», à l’enracinement de l’homme dans le monde réel, et, d’autre part, ses premières approches de Marx, lesquelles ne le conduisent pas au Parti communiste mais du côté des trotskistes. Son éloignement du marxisme sera progressif. Il est déjà à l’œuvre lorsqu’il fonde, avec Cornelius Castoriadis, la revue Socialisme ou barbarie et sera effectif, ou définitif, lorsque, déjà auteur d’un Machiavel, le travail de l’œuvre (Gallimard, 1972), qui renouvelle la lecture du penseur florentin, il reçoit comme événement essentiel la description que fait du goulag Alexandre Soljenitsyne (auquel il consacrera un Homme en trop, en 1973, au Seuil). Dès lors, au nom de Claude Lefort, comme à celui de Hannah Arendt, sera associée la critique du totalitarisme. Lefort établit des liens très serrés entre le phénomène totalitaire et les carences ou les «péchés» de la démocratie.
La société traditionnelle, jusqu’à la Révolution française, se représentait elle-même comme une unité organique, en s’identifiant aux «deux corps du roi», selon le concept de l’historien Ernst Kantorowicz, terrestre et divin. L’avènement de la démocratie et la destruction du corps symbolique du roi ont provoqué un éclatement du corps social en unités individuelles, fragmentées, ainsi que l’effacement de l’identification Etat-société. Aussi la démocratie, pouvoir du peuple souverain, est-elle aussi une société «sans corps», où règne une radicale indétermination. Le totalitarisme est une réponse à cette fragilité structurelle, à cette «fragmentarisation», à cette incertitude - et recompose une unité sociale perdue. Mais, dans le communisme comme dans le fascisme, à un terrible prix. C’est à l’évaluation de ce «prix» qu’est consacré le travail de Claude Lefort : la société comme peuple uni, identifié au parti et à son chef, la société comme gigantesque «automate», composé de micro-organisations qui sont autant d’engrenages faisant fonctionner le tout, la société comme «entre soi», à savoir la constitution raciste d’un «corps pur» qui se réalise par la production, la désignation, l’exclusion et l’expulsion de l’autre, de l'«ennemi». Le totalitarisme annihile toute individualité dans la société absolutiste gouvernée par l’Egocrate, ou le pouvoir écrasant du corps sacré du parti.
«Lieu vide». Mais la démocratie, même dans sa version libérale, n’en est pas l’exact contraire, comme Lefort va s’attacher à le montrer dans la suite de ses travaux. La démocratie n’est pas «bonne» par nature parce qu’elle correspondrait à une propension de l’homme à s’associer «d’égal à égal», pas plus qu’elle ne garantit spontanément liberté et justice à tous les citoyens. Le pouvoir n’y est ni personnel ni collectif, mais est en une sorte de «lieu vide», «inappropriable». Comment le «peupler» ?
Aux yeux de Claude Lefort, la démocratie, fruit de l’histoire, suit de cette dernière les fureurs, est constamment en déséquilibre, et exige, de tous, l’invention (l’Invention démocratique, Fayard, 1981). «S’il est vrai qu’elle a la capacité d’accueillir le conflit, la divergence des intérêts, l’hétérogénéité même du social, cela signifie qu’elle a une capacité qui lui est propre, de donner accès au réel», écrivait-il en 1989.
ルフォール「Le Temps présent – Écrits 1945-2005」書評。 Que Faire ? 08 - Mai / Juillet 2008
Entre démocratie sauvage et barbarie marchande - Revue Que Faire ?
Entre démocratie sauvage et barbarie marchande
À propos de Claude Lefort, Le Temps présent – Écrits 1945-2005
par
Ce Temps présent est, à bien des égards, d’une autre époque : celle où une partie de la gauche s’efforçait laborieusement de s’arracher à l’attraction du marxisme et à la perspective d’un dépassement du capitalisme. Pourtant, et précisément parce que la tentative a réussi au-delà des espoirs les plus fous d’alors, il est intéressant de suivre le parcours de Claude Lefort, qui fut l’un des théoriciens les plus en vue de la pensée politique française, à travers ce fort volume de plus de 1 000 pages qui rassemble des articles publiés au cours des soixante dernières années. D’entrée de jeu, le caractère récapitulatif de l’ouvrage semble inviter à la reconstitution d’une trajectoire théorique dans le siècle, dont la courbure rendue ainsi visible est le résultat sans doute le plus précieux de cette entreprise éditoriale.
Avant-Propos
Le reflux de la vague des années 60-70 a été accompagnée d’une contre-offensive idéologique contre le marxisme et plus largement toute idée d’émancipation collective, dont les représentants les plus connus actuellement sont Bernard-Henry Lévy, André Glucksmann et Luc Ferry.
Cette contre-offensive a imprégné la gauche et, plus largement, toute la culture dominante. Malgré le retour de la critique sociale elle continue d’avoir des conséquences sur la pensée de gauche et donc la politique de celle-ci. En identifier les racines et les critiquer est une tâche importante pour reconstruire aujourd’hui.
Par ailleurs cette contre-offensive a été facilitée par les faiblesses des différentes versions du « marxisme » (ou s’en revendiquant) qui ont dominé la période précédente (mécanisme stalinien, humanisme de Sartre, anti-humanisme d’Althusser...). Comprendre ces faiblesses c’est aussi se donner les moyens de contribuer à réélaborer un marxisme capable de répondre aux enjeux du XXIe siècle.
Cet article d’Isabelle Garo, paru originellement dans La Revue Internationale des Livres et des Idées, est une première contribution pour un travail que nous voulons poursuivre dans les prochains numéros de la revue.
Ce Temps présent est, à bien des égards, d’une autre époque : celle où une partie de la gauche s’efforçait laborieusement de s’arracher à l’attraction du marxisme et à la perspective d’un dépassement du capitalisme. Pourtant, et précisément parce que la tentative a réussi au-delà des espoirs les plus fous d’alors, il est intéressant de suivre le parcours de Claude Lefort, qui fut l’un des théoriciens les plus en vue de la pensée politique française, à travers ce fort volume de plus de 1 000 pages qui rassemble des articles publiés au cours des soixante dernières années. D’entrée de jeu, le caractère récapitulatif de l’ouvrage semble inviter à la reconstitution d’une trajectoire théorique dans le siècle, dont la courbure rendue ainsi visible est le résultat sans doute le plus précieux de cette entreprise éditoriale.
Se confrontant au feu de l’événement tout au long de la période concernée, Claude Lefort se donne certes pour tâche d’en suivre le surgissement, de la révolution hongroise au gaullisme finissant, de la crise polonaise à la chute du Mur, dans des textes d’intervention écrits sur le vif et dont certains furent publiés dans des quotidiens de grande diffusion, principalement Le Monde et Libération, d’autres dans des revues, Les Temps Modernes, Socialisme ou Barbarie, Esprit en particulier, ou bien encore sont des transcriptions de conférences données à l’EHESS et dans divers colloques. Mais ces interventions et leur lieu initial de publication révèlent surtout, à la fois, la notoriété précoce qui fut, dès la fin des années 1950, celle d’un intellectuel engagé, et la cohérence d’un projet théorique qui se donna pour but de forger la définition conjointe de la démocratie et du totalitarisme et de la substituer à toute autre lecture politique, tout spécialement à la critique du capitalisme et à la perspective socialiste ou communiste de son dépassement. En sorte que l’engagement de Claude Lefort se donne ici à lire comme participation constante et efficace au retournement de conjoncture idéologique et politique qui caractérisa tout le demi-siècle, dont l’offensive anticommuniste de la Guerre Froide fut le point de départ et dont l’effondrement du régime soviétique semble devoir clore, ou du moins dévier sensiblement, la trajectoire.
C’est pourquoi l’événement se fait ici ponctuation d’un propos théorique, dont la vigueur première, faiblissant par la suite, provient de la capacité à offrir une nouvelle grille de lecture tout en ajustant sans cesse celle-ci aux circonstances de la conjoncture. Du moins à certaines de ses circonstances. Car on ne peut qu’être frappé par la sélection drastique des dits événements que l’ouvrage révèle : si le demi-siècle de Lefort est celui de l’échec du socialisme de l’Est, de ses raidissements autoritaires et de son coma bureaucratique, il relègue dans l’ombre l’ensemble des mutations sociales et culturelles de la période, la crise économique du début des années 1970, la reconquête libérale qui s’amorça dans sa foulée, les transformations des rapports de forces mondiaux, la politique étrangère américaine, ainsi que toute l’histoire contemporaine de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine (évoquée seulement pour affirmer le caractère non totalitaire des dictatures qui y sévirent). S’il est donc impossible de lire ce livre comme une chronique exhaustive du demi-siècle, il est véritablement passionnant de voir mieux se dessiner, au travers de cette compilation, la portée stratégique, voire tactique, de la démarche de son auteur, comme si, par cette publication, il s’attachait à en refermer lui-même la courbe autour de son foyer politico-théorique.
On peut donc affirmer que, sous la thématique de l’événement et la plaidoirie pour le respect des faits contre toute lecture doctrinale, c’est bien une redéfinition de la politique qui s’opère, au point que le véritable événement est à la fois le plus hexagonal et le moins énoncé par ce livre : l’hégémonie conquise de haute lutte en France, à partir du milieu des années 1970, de la lecture antitotalitaire. Mais c’est aussi le mérite du travail de Claude Lefort, loin des mouvances les plus tapageuses et salonnières de l’antitotalitarisme que de le donner à comprendre, à l’heure même où cette hégémonie perdure mais s’épuise, et peine à traiter du temps présent comme le prouvent les textes plus pesants et embarrassés qui ferment ce volume. C’est justement pourquoi il faut revenir à son commencement pour saisir la cohérence d’une pensée toujours soucieuse de se démarquer, mais consciente au plus haut point de ses enjeux politiques immédiats.
Le volume s’ouvre sur un article de 1945, « l’analyse marxiste et le fascisme », publié dans les Temps Modernes, compte rendu du livre de Daniel Guérin, Fascisme et grand capital, sollicité par celui qui fut le maître de Lefort, Maurice Merleau-Ponty. Alors qu’il n’est âgé que de vingt-et-un ans, Claude Lefort est déjà engagé dans un parcours à la fois théorique et militant, comme le rappelle le précieux entretien avec L’Anti-Mythes publié quelques pages plus loin. Ayant, dès 1943, rejoint un groupe Trotskyste clandestin, Claude Lefort s’éloigne d’emblée d’une analyse qu’il juge relever d’une « sacralisation du marxisme-léninisme » (p. 226) et sera immédiatement convaincu par l’analyse de l’URSS proposée par Cornelius Castoriadis, alors tout juste arrivé en France. Participant avec lui à la création de Socialisme ou Barbarie, Lefort s’oriente très tôt vers un travail d’analyse de la bureaucratie soviétique, qui rompt avec l’analyse de Trotsky et affirme la naissance d’une nouvelle société de classe. Le militantisme de Socialisme ou Barbarie prend tout de suite la forme de confrontations polémiques virulentes, engagées avec les autres courants de la gauche et de l’extrême gauche, le faible enracinement social du groupe étant contrebalancé par l’ambition théorique de ses fondateurs. C’est en 1958, au moment où Castoriadis envisage la construction d’une véritable organisation politique, que Lefort rompt avec le groupe : « Il y a eu une contradiction permanente entre le caractère de la revue, qui était largement une revue théorique, il faut bien le dire, et la prétention à une propagande, à une action en milieu ouvrier » (p. 234). Le projet de Lefort devient alors clair à ses propres yeux : « C’étaient les principes fondamentaux de l’action révolutionnaire, auxquels j’adhérais depuis quinze ans, que je voulais mettre en question. Et d’abord l’image même de la Révolution » (p. 236).
À partir de ce moment inaugural d’engagement et de rupture, Claude Lefort entame un parcours théorico-politique qui ne cessera de reprendre et de prolonger cette double dimension, faisant de la théorie le lieu d’un repli (hors du champ militant traditionnel) mais tout aussitôt l’occasion d’un redéploiement (sur le terrain de l’intervention idéologique) : c’est par le moyen de la critique poursuivie de la bureaucratie et par son apport à la thématisation – déjà multiple et complexe – du totalitarisme que Lefort jouera finalement un rôle politique majeur et il apparaît clairement, à la lecture de ce recueil, que le projet en est très tôt conçu, dès 1956 (p. 350), bien avant que sa médiatisation n’en alimente ad nauseam le discours proliférant. À partir de cette date, ses travaux témoignent de la recherche d’une voie non communiste, mais s’efforçant de demeurer critique à l’égard d’un capitalisme dont la « dynamique sauvage » (p. 798) est présentée comme redoutable, tentant d’éclairer la période de l’après-guerre autrement qu’à la lumière de la perspective révolutionnaire. Au lendemain de la Libération, l’irruption de la Guerre Froide et le désenchantement croissant à l’égard de l’URSS, le raidissement du PCF et son incapacité à adapter sa ligne stratégique à la nouvelle donne, clôturent la période antérieure et rendent alors possible une critique du marxisme et du communisme jusque-là difficilement envisageables à gauche. Mais, à relire aujourd’hui les premiers articles de Claude Lefort, on mesure à quel point le contexte interdit encore d’engager une critique trop frontale et contraint tous ceux qui veulent se démarquer de la gauche communiste à développer essentiellement une critique de la bureaucratie soviétique, reconduisant par ailleurs une analyse en termes de luttes de classes.
Le premier pas de côté décisif, qui consomme la rupture avec toute gauche contestataire, survient en 1967, à l’occasion de l’article paru dans Combat, qui riposte au manifeste d’intellectuels de gauche protestant contre les annexions de territoires par Israël à l’issue de la guerre des Six Jours. Lefort attaque alors comme relevant du « Grand Savoir d’intellectuels de gauche, rejeton d’un marxisme défunt » (p. 201) les thèses de ceux qui dénoncent l’opération israélienne et réclament le retour aux frontières antérieures, revendication absurde face à la réalité d’un rapport de force que le marxisme n’a aucunement, dit-il, les moyens de désavouer : « qu’un État tire avantage de sa victoire, alors qu’il a été provoqué à se servir de ses armes, il ne devrait pas y avoir là matière à indignation » (p. 199). Dans le contexte français du moment, très tendu et de large soutien à l’offensive israélienne, on assiste ainsi à une première redéfinition des clivages politiques antérieurs qui permet à une gauche non communiste de se rapprocher ostensiblement d’une partie de la droite, ravie de pouvoir faire oublier par son soutien tonitruant à la politique israélienne son passé collaborationniste. S’esquisse alors une reconfiguration politique et idéologique globale, qui ouvre désormais la voie à une critique frontale du marxisme politique, cette critique étant à son tour l’une des conditions de cette transformation. Dans ce contexte de mutation, les thèses antitotalitaires doivent leur efficacité à une double caractéristique : d’une part, leur volonté de décrire et de dénoncer le blocage de sociétés socialistes qui ont perdu leur vertu de modèle alternatif en le ramenant au péché originel de tout projet de dépassement du capitalisme ; d’autre part, leur capacité à se construire en récit alternatif simple et crédible, présentant à l’occasion une version savante plus raffinée.
Pour comprendre le succès rapide d’une telle élaboration, il faut rappeler que les pays de l’Est s’enfoncent alors dans la stagnation et présentent le visage de la répression, en particulier à Berlin, en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en Pologne, à quoi s’ajoutera en France l’impact de la publication en 1974 de L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne, (auquel Claude Lefort consacrera un livre entier) qui permettra de propager une lecture unilatérale de la situation politique mondiale. Dans un ouvrage majeur, Michael S. Christofferson a étudié cette opération idéologique française, qui rencontrera après 68 le terreau de son succès, la contre-offensive libérale et l’invention médiatique des « nouveaux philosophes » permettant au milieu des années 1970 sa diffusion élargie, alors que l’Union de la gauche ravive le débat autour de la perspective d’un changement de société. À cet égard, Lefort ne se fait pas faute de dénoncer dans le PCF un parti totalitaire à chaque fois que l’occasion s’en présente, engageant le PS à faire cesser cette alliance « contre nature » (p. 446).
Toutefois, si l’anticommunisme des textes présentés ici est sans réserve et à l’évidence l’un des motifs de leur rédaction, l’intérêt de Claude Lefort pour Marx demeure central et, refusant tout rapprochement entre Marx et le goulag, il n’a pas de mots assez durs pour les « gnomes » qui « cherchent à s’avancer sur le devant de la scène en chassant le fantôme de Marx » (p. 314), rejetant même la « simplification outrancière de la pensée de Marx » (p. 600) qu’opère selon lui Hannah Arendt. Lefort dénonce le marxisme dans son ensemble et par-dessus tout ses visées politiques, mais, en même temps, appelle de ses vœux une lecture de l’œuvre marxienne faisant droit à « l’indétermination qui accompagne le mouvement de l’écriture » (p. 280), contre un structuralisme qui la nie et contre une tendance générale de la philosophie française, marquée au sceau de l’épistémologie contemporaine, à clore la théorie sur elle-même, tendance contre laquelle, dès 1976, il se livre à une charge vive qui fait de lui l’un des rares penseurs, il faut le souligner, qui s’efforce alors de maintenir liés effort théorique, attention à l’actualité et engagement politique.
Il est frappant de constater, en lisant les articles du milieu des années 1970, que l’indétermination, concept central de sa pensée, d’abord portée au crédit d’une histoire ni prévisible ni maîtrisable (dès la fin de la guerre), est utilisée dans un second temps pour caractériser l’œuvre de Marx elle-même, avant d’être inscrite au cœur même du processus démocratique tel que le définit Claude Lefort, désignant la permanence ce « lieu vide » qu’est le lieu du pouvoir. Il peut alors définir la société démocratique comme société « en quête continuée de son propre fondement » (p. 465), mettant les hommes et les institutions « à l’épreuve d’une indétermination radicale » (p. 466). C’est précisément cette indétermination, et la difficulté qu’il y aurait à l’endurer, qui font naître en retour le fantasme de l’unité et enracinent dans la démocratie elle-même la tentation et la menace totalitaire. Lefort peut alors présenter tout projet de régulation économique et sociale comme une « fiction rationaliste » (p. 241), éminemment dangereuse, nourrissant la vision totalitaire d’une fusion entre État et société civile, qui autorise selon lui le rapprochement du communisme et du fascisme sous l’étiquette totalitaire.
Cette élaboration théorique est ici à plusieurs reprises rappelée, mais, compte tenu de la nature des textes ici présentés, elle se trouve avant tout directement confrontée aux événements qu’elle est censée éclairer. Si sa présentation la plus théorique présente une dimension philosophique prépondérante, qui étaye le discours savant et technique de la « transcendance interne du social » (p. 468) sur quelques considérations historiques brossées à grands traits, ses usages conjoncturels se font plus tortueux, voire embarrassés, s’efforçant d’échapper à une caractérisation politique trop directe que pourtant ils assument. Ainsi, si Lefort accorde que le capitalisme sans frein peut engendrer de « nouvelles formes d’autoritarisme » (p. 781), il affirme aussitôt le lien essentiel qui apparie la démocratie au capitalisme, comptant la « liberté d’entreprise » au nombre des « libertés fondamentales » (p. 566). C’est sans doute concernant l’Amérique latine à l’époque de la fin des dictatures que le dilemme devient le plus patent : Claude Lefort concède qu’une transition démocratique ne peut se passer d’un « programme clair de limitation des effets de la pauvreté » (p. 623), mais il fait précéder cette remarque de l’affirmation réitérée de la parenté fondatrice de la démocratie et du capitalisme, et précise : « nous devons avoir le courage d’expliquer que la démocratie ne saurait résoudre les problèmes qui naissent des désordres du marché mondial » (p. 623). Il est vrai que le continent sud-américain pose depuis longtemps problème à une pensée antitotalitaire qui se réclame de la gauche et qui y rencontre, dès les années 1970, son brutal principe de réalité politique : si les dictatures du Chili, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Brésil ne sont guère défendables comme telles, Claude Lefort fait cependant valoir à leur décharge que, d’une part, elles ne présentent aucune force de séduction et sont donc d’un danger moindre que le socialisme, et que, d’autre part, beaucoup de leurs opposants « rêvent de l’établissement d’un État totalitaire » (p. 441). Oubliant que le Chili de Pinochet fut le terrain d’expérimentation des conceptions néolibérales de Milton Friedman, Lefort se risque à assurer que « nous ne pouvons concevoir à présent une démocratie qui ne soit pas libérale, ni la formation d’un régime libéral qui soit antidémocratique » (p. 748).
S’il ne s’agit pas pour autant de réduire l’effort théorique de Lefort à une simple justification après-coup, de nature strictement instrumentale, on doit cependant le lire à la lumière de ses choix politiques fondateurs. De ce point de vue, on peut considérer que la tentative de « troisième voie » lefortienne est obtenue par l’alliance entre de tels choix et une subtile définition de la démocratie, qui les autorise sans s’y réduire et s’attache à préserver une thématique émancipatrice. En effet, Lefort veille à ne pas ramener la démocratie à une simple construction institutionnelle, mais à souligner sa dimension de processus ouvert, jamais stabilisé, toujours dynamisé mais aussi toujours menacé par des revendications sociales qui en excèdent les avancées acquises. Cette conception semble d’abord rapprocher Lefort de ceux qui saluent les mobilisations tout en les redéfinissant comme micro-politiques et repensent le pouvoir à l’écart des enjeux globaux et de la question de l’État. Ce n’est cependant pas le cas et Lefort développe une critique virulente de tout « discours qui tend à rendre le pouvoir invisible » (p. 293), d’une « révolution du concept devenue le rejeton bavard, affairiste, pesant de l’espérance de 68 » (p. 289) s’attachant à colmater la « brèche » pourtant spécifiquement politique ouverte par Mai (p. 288) et cela alors que, dans le même temps, l’État accroît considérablement ses prérogatives.
C’est justement pour contrer cette « occultation » de la politique, que Lefort décrit, dans un vocabulaire marxiste curieusement résurgent, comme « idéologie bourgeoise » tombée en « décrépitude » (p. 292), qu’il entreprend reconstruire une théorie politique, s’affrontant continûment au marxisme dans la mesure où elle a les mêmes ambitions que lui et des buts opposés. C’est précisément pourquoi il ne saurait être de ceux qui dénient la conflictualité sociale : il fait du « potentiel de revendication » (p. 392) la condition même de la vie démocratique, pour autant que ce potentiel ne se fait porteur d’aucun projet politique, et qu’il s’accommode de la « non-homogénéisation du social » (p. 400), c’est-à-dire des inégalités. Ouvrant la porte à une relative contestation, Lefort sait la refermer devant toute mise en cause d’une réalité sociale, réarticulée marginalement au politique, mais jamais associée à la question du travail, de l’organisation de la production et de la répartition des richesses. En ce sens, la voie est étroite entre des thèses qui réaffirment la maîtrise possible des hommes sur leur histoire économique et sociale (incluant jusqu’à la théorie de l’auto-institution du social de Castoriadis que Lefort juge resté trop lié à Marx (p. 259)) et le discours traditionnel de la représentation parlementaire comme épuration des passions et délégation achevée, loin d’une souveraineté populaire demeurée formule pieuse et symbole vide.
Face à cette difficulté, la solution lefortienne consiste très habilement à proclamer l’effectivité du symbolique comme tel et à souligner la signification politique des droits de l’homme : la reconnaissance de l’apport des luttes ouvrières à la démocratie doit conduire à lire leur histoire propre comme un « chapitre de l’histoire des droits de l’homme » (p. 420). Le peuple étant par définition « le pôle du non-pouvoir » (p. 355), toute accession de celui-ci à la souveraineté effective ne peut qu’engendrer une nouvelle bourgeoisie ou une bureaucratie. Finalement, ce sont avant tout les revendications des minorités qui trouvent grâce à ses yeux (p. 392), parce que l’universalité qu’elles défendent n’est rien d’autre que celle du droit lui-même, au sein d’un cadre politico-social inchangé.
La construction démocratique, dont Lefort veut maintenir la dimension processuelle, prend ainsi un tour juridique, d’aménagement du conflit et d’accumulation des droits aux marges de la réalité économico-sociale. La thèse du vide central de la démocratie est une ingénieuse métaphore qui, telle la lettre volée de Poe, semble désigner au lecteur un mystère, une « énigme », à l’endroit même où se construit un interdit portant sur tout projet de transformation radicale. Un tel projet se voit aussitôt reconduit aux aspirations totalitaires de ceux qui se vouent fanatiquement au fantasme de l’unité reconstituée et de la fusion entre la société civile et l’État. La thèse est d’autant plus centrale qu’elle a valeur d’unique contre-feu conceptuel objecté à toute initiative qui irait au-delà du type de contestation sociale qu’organise en France la CFDT, fer de lance de la construction de cette « deuxième gauche ». Mais un tel discours, aussi cohérent et puissamment relayé soit-il, sera finalement et paradoxalement fragilisé par sa victoire même : une fois le « totalitarisme » devenu un thème rebattu, une fois surtout que s’est effondré l’ennemi soviétique, que le PC est entré en déclin et alors que le PS a rompu avec toute perspective de transformation sociale, il apparaît clairement que le libéralisme qui l’a emporté n’est guère synonyme d’essor démocratique. Si Lefort énonce, dès le début, quelques craintes à cet égard, ses dernières interventions se présentent comme des partis pris à la fois clairs et tranchés, mais désenchantés, et qui ont perdu l’allant et l’audace des premiers temps.
De fait, à partir du début des années 1990, l’heure n’est plus à la diabolisation de l’ennemi, pas plus qu’elle n’autorise à encenser le vainqueur libéral. La dimension conceptuelle de l’analyse faiblit, sans que soit jamais perdus de vue, pourtant, les clivages politiques fondamentaux : preuve en est le soutien de Claude Lefort à la pétition lancée en novembre 1995 par Esprit, saluant le courage de Nicole Notat qui appuie le plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale. Dans l’article du Monde publié peu après, oubliant soudain sa propre apologie des luttes, Lefort conspue le « populisme de gauche » (p. 831), ainsi que l’ « archéo-marxisme » (p. 832), l’aigreur soudaine cachant mal la maigreur théorique du propos. La période flamboyante de l’antitotalitarisme est close. Reste une étrange défense par défaut d’un libéralisme, qui pourrait bien dégénérer, prévient Lefort, en une simple économie de marché si l’on n’y prend garde, en un économisme sans politique, mais qui ne présente cependant pas de si grands dangers, affirme-t-il, puisque l’offensive thatchérienne elle-même n’a quand même pas supprimé le droit de vote, et a conservé « le principe même » de droits sociaux, « alors que dans les faits, l’on cherchait à considérablement réduire leur portée » (p. 749). Maigre consolation et qui ressemble surtout au pavé de l’ours, dès lors que le droit se trouve de nouveau écartelé entre principes et faits, ce que toute la théorisation antérieure visait à conjurer.
Au total et à lire ces derniers textes, l’élégante théorie du « lieu vide » se révèle hantée par la conception libérale la plus traditionnelle de la représentation parlementaire, qui vante la « compétition réglée » (p. 465) des gouvernants, le respect des « droits des minorités » (p. 465), l’action politique du peuple ramenée au pouvoir « d’apprécier le jeu des acteurs » et de concevoir « l’intrigue de la politique » (p. 618), l’impérieuse nécessité du « libre-échange et de la libre entreprise » (p. 781), les relents de « servitude volontaire » de la thématique du « tous unis » (p. 902) et, pour couronner le tout, la révérence obligée à Tocqueville, Guizot et Constant, qui « ouvrent la voie à une théorie de la démocratie » sans toujours l’admettre (p. 752), ultimes remparts théoriques opposés à la marchandisation sans frein. Entre capitalisme sauvage et démocratie sauvage, Lefort aura sans cesse cherché à dessiner une troisième option cohérente, tant théoriquement que politiquement, fondée sur le clivage entre démocratie et totalitarisme et rejetant toute alternative au capitalisme. Mais, plus que la disparition de l’URSS, c’est d’abord la crise de la social-démocratie elle-même, ainsi que la permanence des luttes sociales et la remontée d’un courant antilibéral, qui reconduisent un tel itinéraire théorique à sa question première : comment penser la démocratie comme construction jamais achevée et en activer ou en réactiver le processus ? Et c’est justement l’urgence présente d’une quelle question qui donne tout son sens à la publication de ce volume et à sa lecture.
ゲーテのハイデッガーの『黒ノート』。ワークショップに行きたかった
Tokyo - 催し物カレンダー - Goethe-Institut
ハイデッガーの『黒ノート』
ハイデッガー像は、どう変わるのか?:第3回日独哲学会議
2014年12月13日講演会(土)18:00-21:00
2014年12月14日 ワークショップ(日)16:00-21:00
東京ドイツ文化センター
東京ドイツ文化センター図書館
参加無料、要参加登録
日本語とドイツ語
問い合わせ:03-3584-3203

この『黒ノート』が、2014年3月にハイデッガー全集の94、95、96巻『省慮』I, II, III („Überlegungen“ I, II, III)として出版された。全体としては、1200ページ以上の大著である。編集は、ペーター・トラヴニー(ヴッパータール大学)が担当した。
この『黒ノート』の出版に先立ってその内容の一部が、フランスのハイデッガー研究者の間に伝えられた。そこにハイデッガーが、反ユダヤ主義的な言動をして いることが明らかになったのである。これをめぐって2013年の末からフランスとドイツのメディアを中心に連日のように激しい議論が展開され続け、『黒 ノート』の出版を研究者のみならず一般の読者も固唾を飲んで待つという状況となったのである。一つの哲学書の出版が、その出版に先立ってこれほど注目を集 めたことはかつてなかった。
なぜなのか。ハイデッガーが20世紀の最も重要な哲学者の一人であり、その哲学が現代の哲学の基盤を形成していて、この基盤の上で現代哲学が展開されてい ることは紛れのない事実である。ハンス-ゲオルク・ガダマー、ハンナ・アーレントなどは彼の弟子である。フランスではジャン-ポール・サルトル、ジャッ ク・デリダ、ミシェル・フーコー、エマニュエル・レヴィナス、ジャック・ラカン、モーリス・ブランショなどが、ハイデッガーの哲学を基盤にしつつ、それぞ れの思索を展開している。ハイデッガーはまさしく現代フランス哲学の骨髄部分を形成しているのである。その彼が、一時、国家社会主義ドイツ労働者党を支持 したことはよく知られている。そして今回、反ユダヤ主義的な言動をしていることも明らかになった。国家社会主義ドイツ労働者党の支持者で反ユダヤ主義者、 この二つは第二次世界大戦後を生きる健全な人間にとって最悪の組み合わせである。そのような価値観を持つ人間には、人間失格の烙印が押されることになるか もしれない。20世紀最大の哲学者が我々にとって最悪の価値観を持っていた。この究極の矛盾が我々を驚愕させ、これほどの注目を呼ぶのである。ここにおそ らく我々が思考の努力を傾注すべき問題の核心があるのである。
『黒ノート』が出版され、それをめぐるメディアでの議論は、沈静化したが、それは我々が、『黒ノート』を読み考える努力する時期が到来したということであ る。『黒ノート』が我々にとって真の課題となったということである。『黒ノート』以後もハイデッガーは20世紀最大の哲学者とし残るのか、それとも彼の哲 学は悪しき価値観を孕むものとして廃棄されるのか。彼の哲学が破棄されるべきだとして、現代哲学の基盤となっている彼の哲学をそう簡単に廃棄することがで きるのか。そのように問いながら我々は今回『黒ノート』を我々の課題として受け止める。そして
ドイツから『黒ノート』の編者ペーター・トラヴニー氏本人をお迎えする。日本からは哲学研究の前線で活躍する研究者にお集まりいただく。このように独日の 英知を結集して『黒ノート』について議論し、その解明に努め、『黒ノート』が我々をどこに導こうとしているかを見定めてみたい。
プログラム:
2014年12月13日(土)18:00-21:00
講演
ペーター・トラヴニー(ヴッパータール大学)
「ハイデッガー、『世界のユダヤ人集団』と近代」
齋藤元紀(高千穂大学)
「『黒ノート』の出版は、ハイデッガーの評価に何をもたらすのか?」
2014年12月14日(日)16:00-21:00
ワークショップ
(1)ペーター・トラヴニー(ヴッパータール大学)
「マルティン・ハデッガーの哲学は反ユダヤ主義的か」
(2)加藤惠介(神戸山手大学)
「いくつかの区別について」
(3)轟孝夫(防衛大学校)
「ハイデッガー『黒ノート』における反ユダヤ主義の存在史的背景」
(4)三島憲一(大阪大学名誉教授)
「なぜ私だけの存在史的反ユダヤ主義?」
(5)中田光雄(筑波大学名誉教授)
「ハイデッガーにおける<ドイツ的なもの>と<フランス的なもの>」
司会:渡辺和典(学習院大学)&関口浩(早稲田大学)
通訳:陶久明日香&岡本美枝
共催:日独文化研究所
協力:ハイデッガー研究会
ハイデガー「黒ノート」についての三島の文章の紹介
三島憲一「ハイデガーの『黒ノート』をめぐって ――反ユダヤ主義と現実感覚の喪失」を読む - ルルドの泉で
三島憲一「ハイデガーの『黒ノート』をめぐって ――反ユダヤ主義と現実感覚の喪失」を読む
「ハイデガーとナチズム」を巡る議論に新たな波紋を投げかけているのが、今年2月と3月にようやく刊行された彼の断章集、通称『黒ノート』(Schwarze Hefte)だ。ハイデガーは1931年以降、死の直前にいたるまで『黒ノート』と言われる断章を書き綴っていた。
ノートは全部で34~36冊*1。大部分はマールバッハのドイツ文学資料館に保存されている。今回は1931~1941年ぐらいまでの十四冊ぶん、総計1300ページが三巻にわけて刊行された。
黒ノートが物議を醸しているのは、今回の千三百ページのなかに数カ所だが、「反ユダヤ主義的な」表現や主張が彼独自の用語と密接に関連して記されていたことである。
言うまでもなく、ハイデガーとナチズム、またはハイデガーと反ユダヤ主義との関係について、このノートが新たに何を語ってくれるのかが世界で注目されているわけだ。
しかし黒ノートに関して、日本語で読めるまとまった紹介は今まで存在しなかった。
ありがたいことに、ドイツ哲学者の三島憲一がみすず書房の『月刊みすず 7月号』に「ハイデガーの『黒ノート』をめぐって ――反ユダヤ主義と現実感覚の喪失」を寄稿している。本記事ではこれを紹介する。

先日、『黒ノート』を論じたジャン=リュック・ナンシーの「ハイデガーとわれわれ」を翻訳してくれた方を見つけたので、こちらも参照。
ジャン=リュック・ナンシー「ハイデガーとわれわれ」(2014) - dans un coin quelconque de ce qui est
ハイデガー哲学と反ユダヤ主義
ハイデガーは『存在と時間』から思索を深めるうち、全世界を覆う現代技術文明の哲学的批判へとしだいに関心を移していく。この技術論は、彼のコミットしたナチズムや、隠された反ユダヤ主義とどう関わっているのか?
ハイデガーは、彼が頻繁に「巨大なもの」と呼ぶ現代技術を批判し、それとは「別の新たな始まり」を目指すつもりだったようだ。
「巨大なものの最も秘匿されたありよう、ひょっとして最古のありようは、計算高く、ずるがしこく、札を巧みに混ぜて切り返すしぶとい狡猾さだ。これを通じてユダヤ人たちによる、世界を持たないあり方Weltlosigkeitが創出されたのだ。」
ここでは「ユダヤ人はずるい、狡猾だ」といった月並みなステレオタイプが確認できる。ユダヤ人たちは巨大なもの、現代技術の隠れたありようを用いて世界を持たないあり方Weltlosigkeitを創出する。どういうことだろうか。
三島によると、ハイデガーは、市民社会の教養とその文化、それらと表裏一体の技術を、近代形而上学の産物と思っていた。ハイデガーはそんな「読書によるお教養」主義が嫌いでもある。また、ニーチェのひそみにならって、それらはプラトン以来の西欧形而上学の延長でもあると考えていた。
そうした形而上学は、ソクラテス、プラトン以前の、例えばヘラクレイトスなどのギリシアの始源的哲学からの退落であり、なにもないところに神や人間というご立派な存在者を措定しただけで、本質はニヒリズムであるとした。
「プラトンから近代形而上学を経て科学技術へ、そして潜在的なニヒリズムが顕在化する」という連続性の物語。この線上で近代形而上学と現代技術、およびニヒリズムがつながる。とにかくもこのハイデガーの物語、ドグマこそ彼の後期のいわゆるの存在史の核である。
ユダヤ人は西欧近代の形而上学に住み込むことで、このニヒリズムに加担してきたということだろう。
「おなじ理由から、どんな<平和主義>も<リベラリズム>も、本質的な決断の領野にまで突き進むことはできない。なぜなら、そうしたものは、純粋の、また不純の戦士精神の対抗者になるのが、せいぜいだからだ。
だがユダヤ人たち(Judentum)が一時的に権力を高める理由は、西欧の形而上学が、 特にその近代的な発展形態[経済と技術の世界、ということであろう]が、空疎な合理性と計算根性の拡大の場を提供していることに理由がある。こうした合理 性や計算根性は、このようにして<精神>のうちに居所を作ってしまうが、決断のための隠された領野をみずから据えることはできない。将来の決 断と問いがより根源的かつ始源的になるにつれて、この<人種>には手の届かないものとなる」
現代のいわゆる「反グローバリズム」とそれを支える人種主義、民族主義について示唆的な箇所もある。
「ユダヤ人たち(die Juden)は、彼らの特にそれに集中した計算的才能のゆえに、最も長きにわたって人種原則にしたがって<棲息leben>してきている。それだけ彼らは、その人種原則の無制限な適用に対して最も激しく抵抗するのだ。
人種に即した育成制度の設営は[大学や企業や演劇やジャーナリズムのような優秀なユダヤ人 がのし上がって行ける現代の制度のことだろう]、<生>そのものに発しているのではなく、作為Machenschaftが生を乗っ取って押さ え込んだためである。作為がこうした計画性を通じて推し進めているのは、諸民族の完全なる脱人種化Entrassung[こんなドイツ語の単語はもちろん ない]である。
いっさいの存在者を、画一的に作られた、同じような切り口の制度のなかに押しこむことによる脱人種化である。脱人種化とともに諸民族の単一化へ向けた自己疎外が、――歴史の喪失が――、つまり、そんざいSeynへ向けた決断の場であるはずの諸民族の自己疎外が起きる」
「作為Machenschaft」は、普通複数で使われ裏の取引や悪巧みや策動を揶揄する時に使う単語だそうだ。後期ハイデガーでは、道具的理性とその巨大な構築物の意味で、多くの場合抽象化を示すために単数で使われる。
「機械文明が画一化をもたらす」というのは、キルケゴールやニーチェ以来おなじみの、ドイツ教養市民階級の文明批判だそうだ。「この文章で特異なのは、そこに人種原理に生きながら、結果として脱人種化を推し進めるユダヤ人が住みついている、というところにある」。
ハイデガーが対決したのは、「近代という枠組み」だ。現状を批判し革命を求める者にとって、人種、民族を支柱にする選択もまたありふれている。今さら「ハイデガーにならないためにハイデガーを読みましょう」と言う意義もあまりないだろうか。
ハイデガーの反ユダヤ的思索の妥当性
ところで、こうしたハイデガーの哲学的な思弁と結合した反ユダヤ的思索には、倫理的批判を抜きにするとどのくらいの妥当性があるのだろう?
ハイデガーの状況判断能力を疑わせる「電波」なエピソードを三島が紹介している。まずそのエピソードと関連する黒ノートの箇所から。
「世界ユダヤ人 組織Weltjudentumは、ドイツから追い出された亡命者たちに煽りたてられて、つかみどころのないかたちでいたるところにいる。そして、力を拡大 しながらも、どこでも戦闘行為に加わる必要がない。ところが、われわれに残されているのは、自らの民族の最良の人々の最良の血を犠牲にすることである」
「世界ユダヤ人組織Weltjudentum」は、偽書『シオンの賢者の議定書』以来、ユダヤ人陰謀説の語彙であり、ヒトラーが『我が闘争』で「反人種Gegenrasse」と定義し、演説でもよく使った。三島は、ドイツ人の若者が戦場で血を流しているのに、ユダヤ人は後方でちゃっかりとうまい汁を吸っている、的に解釈している。
この解釈に従うと、当時の典型的な反ユダヤ主義の文句でしかない。もっと脱力させるエピソードを三島は紹介している。
シオンの賢者と言えば、ナチスの政権獲得後にヤスパースがハイデガーに、この書を「愚劣そのもの」と言ったところ、ハイデガーは「だってやはり、ユダヤ人の危険な国際的結びつきがあるじゃないですか」と答えたそうである。
「二十世紀最大の哲学者」と称される人物とは思えないほど、あっさりデマ情報に踊らされている。他にも『黒ノート』には、哲学的中二病を患った者の病態が散見される。まさに「黒歴史のノート」である。
「ドイツ人だけが存在を根源的に新たに歌い、語ることができる。ドイツ人だけがテオリアの本質を新しく征服し、ついには、論理学を創出できる」
「技術の最後の幕は、この地球が自らを爆砕することにある。そして現在の人類が滅びることにある。これは不幸でもなんでもない。それどころか、存在者の優位によって深く汚染されている状態からの、存在の(des Seins)浄化なのだ」
ハイデガーは精神治療に罹っていたそうだ。相当まいっていたのかもしれない。
下段の文章が書かれた1941年、ナチスの死の工場が動いていた。フライブルグからもユダヤ人が消え、1938年にはフライブルグのシナゴーグが炎上していた。三島は「こうしたことも、「不幸ではない」のだろう」と皮肉っている。
三島は1300ページの『黒ノート』読解が相当退屈だったらしく、「それにしても、この『黒ノート』の真正反ユダヤ主義のずさんさはなんなのだろう」「ばかばかしくて読んでいられない」「ドイツの崩壊と恋愛沙汰のなかで筋道立てた思考ができなくなっていたのだろうか」と終始手厳しい。
三島の「沈黙の奥に秘めた形而上学=ユダヤ人=その世界支配という方程式は、二十世紀最高の哲学者という勲章を剥奪するにはあたいしよう」はよくある評価としても、「まず書いてあることは、意外と月並みな哲学者なのではないかという疑念を引き起こす」から始まる文体批判は、いわゆる「知の欺瞞」「グル効果」など「ポストモダン・フランス現代思想」批判の文脈にある。
「…そう見ると『存在と時間』ですらそうではないかとも思えてくる。特に後半の卓抜な一部を別にすれば、文章の魔術を抜きにすると(文体の独自性はたいしたものだ)、部分的にそうとしか思えなくなってくる。「死ぬのは一人、自分だけだ」。それはそうだろう。」
ハイデガーの弁護
それはそれとして、これまでの紹介はあまりにハイデガーに厳しかった。釈明の余地もいくつかある。
まず第一に、ハイデガーはこういった、ナチス支配下のドイツ社会でウケそうな反ユダヤ主義の主張を私的なノートにだけとどめ、発表しなかった。当局に気に入られたいのなら、新聞に書けばいいのに。「ハイデガーは、反ユダヤ的な言説を公式に述べたことはない。」 彼は何を考えていたのか?
第二に、「世界ユダヤ人集団に関する問いは、人種的問いではない。人間というもののあり方に関する形而上学的な問いなのだ。」と述べていることから、(さっきのユダヤ人種批判との整合性は不明だが)ナチスの生物学主義からは距離があったことを示すかもしれない。(しかし、それは逆に彼の哲学と反ユダヤ主義が密接な関係にあるという諸刃の剣でもある。)
これらについては専門家による解明が待たれる。
私の感想
ハイデガーの技術論は、技術論と反ユダヤ主義との内的結合が明らかになったことで、全部ダメになってしまうのだろうか?専門家の解明を待つしかない。
ある分野で頭のいい人間は他方ではどこか偏っていて、ゲーデルのように妄想に生きているものだが、ハイデガーのように専門分野まで電波に冒された場合はどうなるのだろう。
おまけ
『黒ノート』36冊のうち2冊を、ハイデガーと不倫していた「とてつもなく美しかったらしい」弁護士、ドロテア・ヴィエッタの息子でドイツ文学の教授シルビオ・ヴィエッタが保管しており、今なお買い取り交渉中だ。
ドロテアの遺品のなかに、ハイデガーが愛の日々に彼女に送った『黒ノート』の二冊があった。息子のシルビオ教授はどんな気持ちなんだろ…。
*1:冊数が定まらないことにはわけがある。最後の「おまけ」で説明
ジャン=リュック・ナンシー「ハイデガーとわれわれ」(2014年)とその邦訳
Strass de la philosophie: Heidegger et nous / Jean-Luc Nancy
Heidegger et nous / Jean-Luc Nancy
Nul depuis cinquante ans ne pouvait douter que Heidegger ait partagé l'antisémitisme dominant l'Europe des années 30, même si on ne trouvait dans ses textes aucune déclaration de cette nature.
A cet égard nous n'apprenons rien dans les Carnets noirs. Les exclamations et imprécations qu’ils suscitent témoignent plutôt d'une candeur difficile à comprendre. N’avait-on pas de longtemps analysé la mise à l'écart voire la forclusion de la source juive ou judéo-chrétienne par la pensée d'une Grèce archi- originaire ? Lyotard, Derrida, Lacoue-Labarthe, au premier chef, et bien d'autres (Levinas, Granel, Haas, Courtine, Zarader, Janicaud, Marion, Badiou, pour ne nommer que quelques Français) peuvent être convoqués pour témoigner à des titres divers de la circonspection lucide avec laquelle Heidegger a été considéré. Encore faut-il lire, cela va de soi, puis se remettre au travail au lieu de gesticuler. (Lire, par exemple, dans Psyché II de Derrida, p. 46, le témoignage très clair d’une parfaite conscience de l’antisémitisme de Heidegger. Il parle, à propos du Discours de rectorat, de ce qui « ouvre à une réaction archaïsante vers l’artisanat rustique et dénonce le négoce et le capital dont on sait bien à qui ces notions étaient alors associées. » On ne saurait être plus clair.)
De même, on n’a pas omis de dénoncer le silence obstiné, farouche et insupportable de Heidegger sur les camps d’extermination. Peut-être d’ailleurs ce silence a-t-il à voir avec ce que contiennent les Carnets.
La publication de ces carnets pose-t-elle de nouvelles questions ? Oui, mais lesquelles au juste ?
On doit se demander pourquoi Heidegger avait exclu de tous ses textes publiés les mentions faites dans ses carnets privés de ce que Peter Trawny, leur éditeur, nomme très justement "antisémitisme historial" ?
Une seconde question s'adresse à nous, quel que soit notre rapport à Heidegger. Elle ne surgit pas de ces seuls carnets, mais ils la réactivent : sommes-nous vraiment au clair avec ce qui est en jeu dans l'antisémitisme ? Savons-nous donc vraiment de quelle faute Heidegger est coupable ? Car il l'est, comme beaucoup d’autres, mais de quoi au juste ? De quoi s'agit-il dans l'antisémitisme ? Question jamais assez ni jamais bien posée, et qui s'adresse à tous, non au seul Heidegger (ni aux seuls antisémites visibles ou déclarés).
A la première question on peut esquisser une réponse provisoire. Heidegger a exclu toute mention d'antisémitisme (et d'anti-judéochristianisme) de ses écrits car il a su qu'une telle mention l’engagerait dans une de ces deux voies : ou bien rejoindre le biologisme nazi qu'il méprisait (voir les Beiträge), ou bien établir que l'antisémitisme doit jouer un rôle structurel dans la pensée d'un destin de l'Occident, ce qui pourrait mettre cette pensée dans l’embarras. En évitant cette seconde entreprise, Heidegger montre qu’il ne pouvait ou qu’il n’osait pas s’y risquer : fût-ce malgré lui il en devinait l’inconsistance. Il touchait donc à une limite de sa pensée.
La seconde question s’enclenche ici : cette limite n’est-elle pas encore la nôtre, si nous pensons peu ou mal la constitution fondamentale – « spirituelle » disait Lacoue-Labarthe - de l'antisémitisme dans l'Occident ?
Hegel avait donné une indication en parlant du peuple juif comme "témoin du malheur de la conscience". Mais on n’a pas voulu savoir quel était ce malheur propre à l’Occident et on s’est caché la douleur qui s'aggravait. Même la vigueur et la vertu dreyfusardes sont passées à côté du problème de fond (témoin Blanchot, qui tout en reprenant la leçon de l'"affaire" veut dépasser l'éthique de la Loi)[1]
Freud voit dans le christianisme un reproche adressé à un oubli juif du meurtre du père. Mais ce reproche est la conversion d’un malaise : qu’a-t-on fait en humanisant le Dieu imprésentable ? Ainsi le judaïsme de la diaspora aura représenté ce que les chrétiens trahissaient : la séparation des deux royaumes. Et l’interdiction de posséder la terre aura conduit les juifs à prendre sur eux la souillure du prêt à intérêt.
Ces repères suffisent pour indiquer l'essentiel d'un antisémitisme en effet « historial »: le peuple juif a été identifié comme le mal dont l'Occident sentait, à son corps défendant, devoir payer la croissance illimitée de son savoir et de son pouvoir. Pour Heidegger cette croissance (la technique, le capital, la raison normative) devait se comprendre comme un oubli par l'Occident de sa propre origine et destination. De cet oubli - pourtant commencé avec Platon…- les Juifs, Rome et le judéochristianisme devaient être à la fois, par substitution fantasmatique, les témoins et les agents.
Cela même permet de discerner comment Heidegger a pu penser sur deux versants hétérogènes. D'un côté il ouvrait la question dite "de l'être" : il remaniait de fond en comble ce qui jusque chez Husserl s'était nommé "transcendance". Nous n’en avons pas fini avec ce remaniement, qui n’a nul besoin d’être antisémite. D'un autre côté Heidegger voulait, de manière au fond très conformiste et mythologisante, que ce geste relance un "destin" de l'Occident à partir d'une provenance unique, exclusive, excluante voire exterminatrice. L'histoire réappropriait ce que l'existence aurait dû disséminer. Aussi est-ce très exactement au revers de Heidegger que Derrida (qui dès 1964 étudiait l'histoire chez Heidegger) écrivit le mot "destinerrance". On peut l’interpréter de deux façons : 1) l'idée d'un destin fut l'errance de Heidegger – 2) à nous maintenant de dérouter voire d'égarer le destin occidental. Et d'en finir ainsi avec l'antisémitisme.
Bien entendu, ce qui précède ne forme qu’une indication sommaire et provisoire. Même le motif du destin reste à décomposer chez Heidegger. Werner Hamacher me suggère par exemple que « destinerrance » peut être considérée comme issu de Heidegger. Peut-être y a-t-il en effet chez lui deux registres ou deux portées du « destin ». Nul doute qu’il y ait là des ressources de pensée, et telles qu’elles nous permettront d’aller plus avant dans ce qu’il nous incombe toujours de penser sur notre provenance et donc sur notre avenir.
Jean-Luc Nancy
[1] Sans assimiler du tout Blanchot à Heidegger, et même en les opposant, je crois nécessaire l'analyse de la pensée de
Blanchot que j’engage dans La Communauté Désavouée, Galilée, 2014.
Publié il y a 21st June par J-C Martin
ジャン=リュック・ナンシー「ハイデガーとわれわれ」(2014年) - dans un coin quelconque de ce qui est
ジャン=リュック・ナンシー「ハイデガーとわれわれ」(2014年)
[以下はジャン=リュック・ナンシーによる、ハイデガー『黒ノート』に関する小論の邦訳。原文はジャン=クレ・マルタンの2014年6/21付けブログStrass de la philosophie: Heidegger et nous / Jean-Luc Nancyに掲載されている。なお訳出にはそのドイツ語訳Nancy: Heidegger und wir - Faust Kulturも参照した。]
ハイデガーとわれわれ
たとえハイデガーのテクストのうちに三〇年代のヨーロッパで支配的であった反ユダヤ主義のたぐいの宣言が見当たらないとしても、五〇年代以降、彼がそうした反ユダヤ主義に加担していたことを疑わない者はいなかった。
この点にかんし、われわれは『黒ノート』から何も知ることはない。この『黒ノート』から受ける驚嘆と呪詛はむしろ、理解しがたいおめでたさを証言している。原―オリジナルなギリシャの思想によってユダヤ的ないしユダヤ・キリスト教的な源泉が隔絶され排除されたことは、もう長いこと分析されてきたことではなかったか。ハイデガーが考慮していた明敏な用意周到さをさまざまな資格で証言するにあたっては、誰よりもリオタール、デリダ、ラクー=ラバルトが、またじっさい別の者たち(何人かのフランス人を挙げるとすればレヴィナス、グラネル、ハース、クルティーヌ、ザラデル、ジャニコー、マリオン、バディウ)[*1]を召喚することができる。当然のことだが、さらに読み、大げさなジェスチャーに代わってふたたび仕事にとりかからねばならない(たとえば、デリダ『プシュケーII』p.46における、ハイデガーが反ユダヤ主義を完全に意識していたとするきわめて明白な証言を読んでおかねばならない。『大学総長就任演説』についてデリダが語っているのは、「田舎職人に対し古風な反応をとるようになり、商取引と資本(そのさいこの二つの観念が何と結びつけられたかはよく知られている)を告発する者」である。[しかし]この点が明白になることはもはやないだろう)。
同時に、ハイデガーが絶滅収容所について頑なに、強情に、そして鼻持ちならないほどに沈黙していたことはたえず告発されてきた。さらにおそらくこの沈黙は、『黒ノート』に書かれてあることと併せて考えられねばなるまい。
この『黒ノート』の刊行によってあたらしい問いが提起されるだろうか。なるほど提起されるだろうが、正確にいってそれはどのようなものか。
自問しなければいけないのは、〈どうしてハイデガーは、編集者のペーター・トラヴニーがきわめて的確に「歴史的反ユダヤ主義antisémitisme historial」と呼ぶものにかんする、自らの私的なノートのうちに書き留めた言及を自分の刊行テクストすべてから除外したのか〉ということである。
[ついで]〈われわれとハイデガーとの関係はどのようなものか〉という第二の問いがわれわれに発せられる。こうした問いは『黒ノート』だけから生ずるものではないが、『黒ノート』はこの問いを再活性化する。われわれは、反ユダヤ主義のうちで問題となっているものが何であるのかを本当にはっきりわかっているだろうか。それゆえわれわれは、ハイデガーがどのような過失の罪を負っているのか本当に知っているだろうか。他の多くの人々と同様に彼に罪があるのなら、それは正確にいってどのような罪か。反ユダヤ主義において何が問題となっているのか。問いはまったくじゅうぶんにそして正しく立てられないまま、ハイデガーに対してだけでなく(またあからさまで公然の反ユダヤ主義者たちに対してだけでもなく)、われわれに対しても向けられている。
第一の問いに対しては、一時的な答えを素描することができる。ハイデガーは自らの書き物から反ユダヤ主義(また反ユダヤ・キリスト教主義)の言及すべてを排除したが、それは、そうした言及を残しておくと、以下のような二つの道のうちの一方に自分が関与することになるとハイデガー自身がわかっていたからである。二つの道とは、自ら誤解していたナチスの生物学観(『哲学への寄与』を見よ)にふたたび加担する道か、もしくは反ユダヤ主義がヨーロッパの運命に関する思想のうちで(そんなことをすればこの思想を窮地に陥れかねないのだが)構造的な役割を果たさねばならないことを確証する道であった。ハイデガーはこの二番目の企てを回避することで、自ら二番目の企てを思い切って行なうことができない、もしくはあえてその危険を冒さなかったことを示している。この指摘がハイデガーの意に反しているにせよ、彼は自らの一貫性のなさを洞察していた。それゆえハイデガーは自分の思想の限界に達していたのだった。
第二の問いがここで連動してくる。もしわれわれがヨーロッパにおける反ユダヤ主義の(ラクー=ラバルトがかつて述べた)「精神的」な根本構造をほとんど考えないか、もしくは誤解するなら、ハイデガーのこうした限界は相変わらずわれわれの限界ではないだろうか。へーゲルはユダヤの 民を「意識の不幸を証言する者」と述べることで特徴づけた。だがヨーロッパに固有のこの不幸がどのようなものであるのか人々は知ろうとしてこなかったし、 激化したその苦しみを隠してきた。ドレフュス派のたくましさや美点ですら、本質的な問題を避けて通ってきた(その証人たるブランショは「ドレフュス事件」の教訓をふたたび取り上げながらも、戒律の倫理を越えようとしている)(1)。
フロイトは、ユダヤ人による原父殺害の忘却に対してなされる非難をキリスト教のうちにみている[フロイト『人間モーゼと一神教』]。しかしこの非難は不安の反転である。現前しえぬ神を人間化することで人々は何をなしたのか。このようにディアスポラのユダヤ教は、キリスト教徒が暴露するもの、すなわち二つの王国の分裂を表明することになるだろう。そして土地所有の禁止によってユダヤ人は、貸付利潤という穢れを自ら引き受けるようになるだろう。
こうした目じるしは、じっさい「歴史的historial」な反ユダヤ主義の本質を指し示すのに十分である。ユダヤの民は悪として同定されてきたのであり、〈この悪の知と能力の際限なき増大は償われなければならない〉とヨーロッパは心ならずも感じていた。ハイデガーにとってこの(技術、資本、規範的理性といった)悪の増大は、ヨーロッパ自身による自らの起源と終着点destinationの忘却として理解されねばならなかった。プラトンとともに始まったものであるとはいえ、この忘却にかんし、ユダヤ人、ローマ人、ユダヤ・キリスト教は、空想によってすりかえられることで、証人であると同時に代理人とならねばならなかった。
こうしたことによって明らかになるのは、ハイデガーがいかにして異質な二つの斜面で思考することができたのかである。ハイデガーは一方で「存在について」語られる問いを切り拓いてみせた。つまりハイデガーは、フッサールまでのあいだ「超越論」と呼ばれていたものをすっかり手直ししたのである。われわれはいまだこの手直しを終えていないが、その手直しが反ユダヤ的である必要はまったくない。ハイデガーは 他方で、根本的にきわめて順応主義的で神話化的な仕方で〈こうした態度が、そのユニークで排他的で排除的で、絶滅させるほどの出所からヨーロッパの運命に テコ入れをしてくれる〉と考えていた。[このテコ入れがうまくいけば]歴史は、われわれが散り散りにしてしまうはずだったものをふたたびわが物にするとい うのである。このように(一九六四年以来ハイデガーにおける歴史を研究していた)デリダが「転送の誤配=運迷destinerrance」という言葉を書いたのは、ちょうどハイデガーの裏面においてである。この「転送の誤配=運迷」は二つの仕方で解釈することができる。すなわち(1)運命destinという理念はハイデガーの彷徨(さまよい)erranceであり、(2)ヨーロッパの運命を迷わせ、途方にくれさせることによって反ユダヤ主義に決着をつけるのは、いまやわれわれ次第だということである。
もちろんここで導き出されたことは、概略的で一時的な指摘をなすにすぎない。運命のモティーフですら、まだハイデガーのもとで要素分解しなければならない。たとえばヴェルナー・ハーマッハーが私に提案してみせたのは、「転送の誤配=運迷」をハイデガーから発せられたものとして考えることができるということである。じっさいおそらくハイデガーにおいては「運命」にかんする二つの範囲ないし射程がある。そこに思考の富があることを疑う者はいないし、その富は〈自分の出所にもとづいていつも思考し、またそれゆえ自分の将来にもとづいていつも思考しなければならないもの〉へとわれわれをまっさきにむかわせるだろう。
ジャン=リュック・ナンシー
[*1]ここで挙げられた著者による、ハイデガーの反ユダヤ主義問題を扱った著作は以下の通り。リオタール『ハイデガーと〈ユダヤ人〉』(本間邦雄訳、藤原書店、1992年)、デリダ『精神について:ハイデガーと問い』(港道隆訳、人文書院、1990年)、ラクー=ラバルト『政治という虚構:ハイデガー、芸術そして政治』(浅利誠・大谷尚文訳、藤原書店、1992年)、レヴィナス『歴史の不測』(合田正人・谷口博史訳、法政大学出版局、1997年)、G・グラネル『大学論』(Gérard Granel, De l’Université, Mauvezin, T E R, 1982)、A・ハース『ハイデガーのアイロニー』(Andrew Haas, Irony of Heidegger, Continuum, 2007)、J=F・クルティーヌ『この思想の影:ハイデガーと政治問題』(Jean-François Courtine, L'ombre de cette pensée : Heidegger et la question politique, Grenoble, J. Millon, 1990)、M・ザラデル『ハイデガーとヘブライの遺産』(合田正人訳、法政大学出版局、1995年)、D・ジャニコー『フランスにおけるハイデガー』(Dominique Janicaud, Heidegger en France, Albin Michel 2001)、J=L・マリオン『 』[情報求む]、A・バディウ『存在と出来事』(Alain Badiou, L'Etre et l'événement, Paris, Seuil, 1988)。またこの問題にかんし日本語で読める文献のなかでもっとも簡便なものとしては、ジェフ・コリンズ『ハイデガーとナチス』(大田原真澄訳、岩波書店、2004年)がある。
(1)ブランショとハイデガーの二人を同化させるのではなくむしろ対立させるなら、『否認された共同体La Communauté Désavouée』(Galilée, 2014)のうちで私が行なったブランショの思想分析は不可欠であると考える。

